
Deux jours avant ta mort
9 mai 2023. Deux jours avant la date de ta mort. Bientôt deux ans. Deux ans se sont écoulés. Deux ans ont passé depuis le pire jour de notre vie. Il est dix heures. Aloïs est à la sieste. Nos dernières journées étaient très actives. Intenses. Festives. A l’approche de la fin d’année scolaire, nous avons été conviés aux différentes représentations et aux galas de tes grands frères. Concert de musique des écoles. Spectacle de gymnastique de Mathis. Tournoi de basket de Thibaut. Aloïs a peu dormi. Il a besoin de récupérer.
La démonstration sportive de notre petit gymnaste était très émouvante. Craquante. Totalement irrésistible. Plusieurs enfants âgés de quatre à six ans déambulaient sur les engins avec agilité, détermination et fierté, accompagnés d’une musique à la mélodie enfantine, entraînante et gaie. Un magnifique spectacle. Attendrissant. Tout simplement adorable. Des larmes ont coulé. Des larmes de joie. Des larmes de tendresse. Envahie par mes émotions. Parfois contradictoires. Pour la plupart vécues intensément. Joie. Tristesse. Amour. Fierté. Mélancolie. Soulagement. Mon cœur de maman a chaviré. Rempli d’un amour inconditionnel. Mon petit bonhomme aux cheveux frisés se tenait là sur scène. Dansant. Saluant le public de sa petite main. Rayonnant. Fier. Incroyablement heureux. Oui, heureux, ma chérie. Une joie sincère. Sans filtre. Pure. Eclatante. Evidente. Ce petit bonhomme qui a vu la mort de près. De bien trop près. Ce petit bonhomme affectueux. Généreux. Coquin. Ce petit bonhomme qui ressent et vit toutes les émotions de son entourage. Une éponge. Ce petit bonhomme qui, du haut de ses six ans, porte le poids du bonheur de sa famille sur les épaules depuis ton départ. Faire rire. Faire le clown. Pour atténuer les maux. Entrer en colère. Tester les limites. Pour détourner la souffrance.
Inévitablement. Avec mélancolie, mon cœur s’est resserré quand une jeune Margaux est entrée en scène. Mon cœur s’est crispé quand des mamans dansaient avec leur tout petits. Tendre. Touchant. Bouleversant. Ces moments je ne les vivrai jamais avec toi. J’aurais tant voulu. Te voir grandir. Te voir t’épanouir sur cette scène auprès de tous ces enfants. La vie l’aura voulu autrement. Et c’est affligeant.
Au retour du spectacle de Mathis, Thibaut a fondu en larmes. « Margaux me manque! » A-t-il ressenti la même chose que moi en entendant ton prénom ? A-t-il ressenti mes émotions ? Était-il fatigué ? Je ne le sais pas. Je ne le saurai pas. Trop difficile à verbaliser. Il était en manque. En manque de toi, mon amour. Ça, c’est certain. Thibaut est très sensible. Avec la fatigue, la surstimulation, le bruit, son réservoir émotionnel déborde rapidement. Un câlin et il redescend aussitôt. Notre petit basketteur, ce petit champion qui nous épate au quotidien depuis sa naissance. Ce petit champion qui accepte les défis, qui s’adapte, malgré son handicap. Ce petit champion qui vit tout, ressent tout comme son jumeau. Souvent, dans les extrêmes. En parfait miroir. Il reflète nos états d’âme. Il a vécu ta mort et la peine qu’elle a provoquée. Câliner, se blottir contre l’autre. Pour atténuer la douleur. S’émerveiller pour un rien. Sauter de joie. Pour amplifier les moments de bonheur. Tes frères ressentent nos émotions mais les expriment différemment.
Je nous revois deux ans plus tôt dans l’insouciance. Le bonheur. La joie absolue. Je nous revois deux ans plus tôt dans l’ignorance. La gaité. La légèreté absolue. Je ne revois deux ans plus tôt. C’était la fête des mères. Le dimanche 9 mai 2021. Une belle et douce journée.
Nous étions tous réunis. Tata Andreia, Tonton Nico, Valentine, Tonton Max, tes cousins, tes frères. Nous étions chez Opi et Omi pour célébrer les mamans. Quelle belle journée. La météo, plutôt clémente, nous a permis de manger à l’extérieur. Tu étais blottie dans mon écharpe, à l’intérieur de ma veste de portage. Tout proche de mon cœur. Nous avons ri. Nous avons partagé. Nous étions heureux. Un moment fort de la journée me revient. Un souvenir intact. Celui de Omi et toi en train de jouer à « l’avion ». Elle s’est installée sur le canapé et, du bout des bras, te faisait virevolter dans les airs. Tu relevais ton torse. Tu te tenais bien droite. Le sourire aux lèvres. « On s’envole!»… sans savoir que deux jours plus tard tu t’envolerais pour de bon.
